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Lla yhennik a Arrif / Adieu le Rif , un exploit artistique, esthétique et critique de Mohamed Noumidia

 Lla yhennik a Arrif / Adieu le Rif , un exploit artistique, esthétique et critique de Mohamed Noumidia

       Le Rif est personnifié à la manière des anciens aèdes ou des forgerons des épopées. Ce à quoi le poète dit adieu n’est pas une poignée de sable ou un souvenir de carte de postale. C’est un adieu d’arrachement à une terre, une blessure d’amour, de topophilie. 

L’artiste dit ce que les politiques et les élites n’osent pas dire. Il se saisit de la démarche esthétique pour faire le point, voire plus, un diagnostic de ce qu’il éprouve. Il est le réceptacle de ce que vit sa propre société. Et l’inventaire n’est pas du tout enchanteur. Le chanteur comme un peintre, comme un metteur en scène brosse le portrait d’un Rif en désarroi et du Rifain interdit de vivre dans sa patrie. C’est une chanson triste et sa tristesse est amplifiée par sa vérité. Il a choisi les mots. Des mots dont le tragique en disent long sur les bourreaux impitoyables qui contraignent les Rifains à s’arracher à leur terre et à vivre le déracinement. C’est une chanson triste car le Rifain ne s’exile pas sous l’effet des appels des sirènes, à la recherche d’une meilleure vie ou d’un surplus de confort. Il s’exile car il se cherche un endroit pour vivre au sens basique et fondamental du terme. Car la terre quittée a été tue, brimée, privée de parole. Le Rif ne parle plus, on le veut aphone et muet. Car ce qu’il dit quand il parle est la vérité que les fossoyeurs veulent enterrer. Les raisons de l’exil sont donc plus profondes et plus fondamentales. Le tragique est porté par la cassure, la brisure, la rupture imposées, car le Rifain quitte, plutôt on l’oblige à quitter, on le déplace par contrainte et non de gaieté de cœur, en ces temps moroses ou l’exil demeure la seule issue pour « vivre ». Le poète le sait d’avance que ce ne sera pas une vie au soleil, car celui-ci est derrière les vagues et l’immensité de la mer qu’il va traverser dans l’embarcation de fortune. Ce qui l’attend c’est la pluie, le brouillard et la neige, toutes des références à une vie malheureuse car elle ne sera jamais soleil et chaleur de chez soi, d’être chez soi. L’exil est un échange inéquitable imposé pour substituer le froid à la chaleur et la la clarté du ciel du pays à la brume. Le poète ne quitte pas seulement son village, sa mère ou son père dont le souvenir brise son cœur, il quitte le Rif, une région, une patrie qui cristallise une histoire et des espérances qui ont été trahies, trucidées et perverties. Le Rif qui a été au début du XXe siècle le phare des peuples aspirant à la liberté et qui leur a montré les sentiers de la libération, est transformé à cause de cela en enfer pour les descendants des résistants. Le poète évoque ceux qui ont tué la vérité du Rif qui est aussi son avenir. Le poète associe ici la vie à la vérité qu’il faudrait faire vivre et perpétuer. 

Les politiques officielles l’ont transformé en enfer pour ses enfants contraints au départ forcé. Ils « brûlent » pour se sauver et ceux qui ne le peuvent pas se fondent. C’est que le Rif est transformé en enfer pour ses enfants. Tout projet de vie y est devenu impossible. Il est écrasé par les montagnes de soucis, il vit dans le noir dans l’attente d’un matin enchanteur. L’artiste utilise des mots simples, clairs et sans détour mais dont le tragique est porté par une voix rompue à dire l’amazighité et à porter ses espérances. Cette fois, c’est une voie qui porte ses blessures et les impossibilités des projets enchanteurs. Il brosse les contours des subjectivités individuelle et collective écrasées par le joug objectif dont il laisse le soin de l’analyse aux politistes, aux chercheurs et aux élites s’il en existe encore, s’il en reste. Car le silence et l’inaction ne font que faire perdurer le tragique que l’artiste a pris le soin de dire avec ses outils. Aux autres d’utiliser leurs outils pour parler et pour agir et pour que l’exil et le vide ne soient pas le lot du Rif.

Par :Amssu n tsutiwin

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